Chronologie de la formation de l’islam
Odon Lafontaine, sept. 2020
Synthèse issue de l’ouvrage Le grand secret de l’islam (https://legrandsecretdelislam.com)
__Table des matières
__A. Antiquité – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – 2
__B. Contexte politico-religieux aux VI-VIIe s. – – – – – – – – – – 2
__C. Le courant judéonazaréen s’ouvre à certains Arabes (fin VIe, mi VIIe s.) – 3
__D. Le contexte géopolitique des guerres perso-byzantines de 602-628 – – – – – 4
__E. Les Arabes prennent le pouvoir et relèvent le Temple de Jérusalem (638-640) – 5
__F. L’espérance déçue de la redescente du Messie (à partir de 640) – – – – – – – – – 6
__G. L’anarchie arabe (640-685) – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – – 6
__H. La religion impériale d’Abd al Malik (685-705) – – – – – – – – – – – 7
__I. D’Abd al Malik à Mahomet (VII-IXe s.) – – – – – – – – – – 8
__J. Le tournant abbasside (à partir de 750) – – – – – – – – – 9
__K. Formalisation du chiisme (VIII-XIe s. et au-delà) – 10
__L. Achèvement de l’islam (XIIe s. et au-delà) – – – 10
Révolution psychologique et spirituelle avec l’introduction par le christianisme de l’idée de salut du mal, c’est-à-dire de la possibilité de sa délivrance, et tout particulièrement de salut du monde (un monde parfait, délivré du mal, un « royaume de Dieu sur la terre ») ; diffusion rapide du christianisme dès le Ier s. au Proche Orient, bassin méditerranéen, Éthiopie, empire Parthe, Inde, Asie Centrale, Chine, Caucase, Mer noire…
Transformation, renouvellement et absolutisation de certains messianismes juifs incorporant alors cette idée de salut du monde, et devenant des messianismes politiques globaux (éradiquer le mal du monde au moyen d’un programme politico-guerrier) ; certains jouent sur le rôle politique prêté au Messie (Jésus ou autre) dans l’éradication du mal sur toute la terre, dont en particulier le courant judéonazaréen (qui reconnaît Jésus comme Messie).
Implantation
ancienne des Arabes au Levant (Ghassanides), en Irak-Perse
(Lakhmides), entre Byzance et Perse, et bien sûr en Arabie
(notamment les Nabatéens, au nord de l’Arabie, avec
pour capitale Pétra) ; ils étaient tous
christianisés, et certains judaïsés,
mais ne constituaient pas réellement une nation (plutôt
une classe sociale, celle des nomades, pasteurs, marchands et
soldats, parlant l'arabe et l'araméen ; certains
sédentarisés).
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Proche Orient principalement chrétien (syriaque, gréco-byzantin, copte, monophysite, nestorien…) et juif (différents courants).
Influence très importante du christianisme syriaque (araméophone) sur le christianisme arabe. Perse sassanide christianisée de longue date, mais christianisme contrebalancé et soumis par les religions du pouvoir impérial (manichéisme et zoroastrisme). Considérable diaspora juive en Perse (historiquement en Babylonie), avec son propre roi inféodé au « Roi des Rois » sassanide. Arabie christianisée (par les églises araméophones) et judaïsée ; influences éthiopiennes (chrétiennes) également ; maintien chez les Arabes de certaines coutumes païennes et de leur structuration clanique.
Climat de tension apocalyptique, de pressentiment de l’imminence de la « fin du monde » allant s’accroissant au VIIe s. (guerres perso-byzantines, épidémies, tremblements de terre, contestation de l’autorité des empires…).
Des prédicateurs apocalyptiques multiples apparaissent dans le christianisme syriaque et dans le judaïsme (notamment avec le projet du relèvement du temple de Jérusalem - cf. courant nazaréen et expédition de 614 ci-dessous), nourrissant des prédications chez les Arabes christianisés, se traduisant par des mouvements de prophétisme armé.
Circulation de tout un corpus de prédications et de prédicateurs, dont la prédication judéonazaréenne (cf. ci-dessous), entre, Levant, Arabie et Mésopotamie, le long des itinéraires caravaniers et des hauts lieux d’implantation des Arabes (Syrie, Arabie, dont Pétra et la Yamama, Mésopotamie).
Contexte
géopolitique global d’opposition des empires byzantin
et perse qui place l’Arabie
au centre des jeux de guerre, de pouvoir, de commerce et d’influence
entre Perse, Byzance, Égypte, Éthiopie,
route maritime de la Soie. En particulier, la Perse appuie les
prophétismes armés pour prendre le contrôle de
l’Arabie, et, à tout le moins, perturber les liens
entre Éthiopie et Byzance, et déstabiliser les alliés
et supplétifs arabes de Byzance.
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Manifestation dans l’Histoire d’un courant juif-nazaréen (judéonazaréen) remontant aux premiers siècles, très tôt détaché des communautés juives chrétiennes apostoliques en ne voulant reconnaitre Jésus que comme Messie-roi d’Israël, et non comme visite de Dieu en son peuple (« incarnation divine » dans la théologie occidentale). Il s’oppose donc à la fois aux chrétiens et aux Juifs rabbiniques, en prétendant constituer les seuls « vrais » disciples de Jésus et de Moïse, les seuls « vrais » descendants d’Abraham. Ce courant portait un projet du relèvement du Temple de Jérusalem, de rétablissement du culte ancien de Moïse censé faire revenir le Messie Jésus, « envoyé de Dieu », pour établir la domination de la loi divine et le « règne de Dieu » sur toute la Terre.
Prédication judéonazaréenne auprès d’Arabes christianisés (et/ou judaïsés), en prédication directe ou via des prédicateurs arabes formés pour cela. Cette prédication se trouve toujours, en partie, dans le texte coranique (texte à comprendre dans son sens littéral, libéré du carcan de l’interprétation forcée par la tradition musulmane). Elle associe les Arabes à la descendance d’Abraham par Ismaël (vieille thématique juive usée pour la « judaïsation » de certains Arabes, et présente aussi dans l’apologétique chrétienne et antijuive déployée auprès des Arabes), et les associe donc aux judéonazaréens et à leur projet messianiste global. Elle a focalisé la tension apocalyptique chez certains Arabes en une sorte de millénarisme christiano-juif, reposant sur la mise en œuvre du projet de relèvement du Temple et de rétablissement du culte mosaïque (et donc de prise de Jérusalem). Les convertis arabes au projet prennent le nom de muhajirun (ceux qui ont quitté leurs demeures pour entrer dans une forme d’ascèse religio-guerrière).
Parmi les
prédicateurs arabes de l’imminence de l’apocalypse,
l’histoire a retenu en particulier les figures de Maslama ibn
Habub Abu Thumama, de Sadjah bint al Harith ibn Suwayd ibn Uqfan, de
Tulayha ibn Khuwaylid ibn Nawfal al-Asadi, d’Aswad ibn Kaab
al-Ansi (les « anti-prophètes » évoqués
par la tradition musulmane), et de Muhammad
(au sens du ou des « Mahomet de l’Histoire »,
à distinguer de la figure prophétique islamique, cf.
ci-après). Certains (Tulayha, peut-être Sadjah et
Maslama, et tout spécialement Mahomet) étaient liés
à des mouvements judaïsant (judéonazaréen)
et baptistes, et relayaient la prédication judéonazaréenne
aux Arabes. Mahomet, que l’histoire écrite par les
vainqueurs a particulièrement valorisé, était
un commerçant caravanier et peut-être chef de guerre
dont on ne sait historiquement pas grand-chose, et qui n’était
qu’un de ces prédicateurs, un parmi d’autres –
il était christianisé (de type arabo-syriaque, de par
son contexte tribal) mais certainement pas chrétien au sens
orthodoxe puisque spécialement lié au courant
judéonazaréen, comme en témoigne son surnom
très spécial de muhammad (surnom messianique
d’origine biblique, cf. ci-après) et ce que l’on
sait de son entourage (cf. influence de la figure nazaréenne
désignée par la tradition musulmane sous le nom de
Waraqa Ibn Nawfal, et de sa femme Khadija, probablement nazaréenne
ou arabo-nazaréenne puisque parente de Waraqa). Tulayha
pourrait aussi avoir été lié à Waraqa
ibn Nawfal par sa famille.
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À partir de 602, la Perse prend la façade méditerranéenne de l’empire byzantin, dont Jérusalem en 614, ainsi que l’Arménie et le Caucase ; en 628, Byzance a repris ses territoires perdus, conquis la Perse et soumis son Roi des Rois.
Jeu de la Perse sur les prophétismes arabes armés dans ce cadre, pour lui rallier les Arabes contre les Byzantins, et couper Byzance de son allié éthiopien ; appui sur les prédicateurs d’apocalypse et la perspective de la conquête de Jérusalem.
Prise effective de Jérusalem en 614, réalisée sous commandement perse par une coalition de Juifs de Babylone sous la conduite de leur roi, de Juifs ralliés, d’Arabes supplétifs (dont la troupe de Mahomet, peut-être aussi celles de certains autres prophètes arabes) et de l’armée perse. Un pouvoir juif est établi à Jérusalem, qui mène les préparatifs pour le relèvement du Temple et le rétablissement du culte mosaïque. Opposition entre Juifs talmudiques (venus de Babylone, principalement) et judéonazaréens (avec leurs affidés arabes) sur la question et le sens de ce projet de relèvement, opposition qui mène à l’expulsion de ces derniers de Jérusalem. Une révolte des chrétiens éclate peu après, voulant interdire ce relèvement, révolte très durement réprimée par le pouvoir juif, qui perdra l’appui perse et l’opportunité de relever le Temple.
Nombreux remous
chez les Arabes (et les autres chrétiens,
et les Juifs) du fait des guerres perso-byzantines, de l’échec
du relèvement du Temple, de la galvanisation des diverses
prédications apocalyptiques. Jeux de guerre, de victoires,
d’alliances et de défaites entre groupes arabes. Remous
amplifiés par l’entrée en campagne de Byzance
contre la Perse vers 620, qui change la donne, et mènent
certains à fuir les représailles des empires et les
retournements d’alliance. Remous encore avec la défaite
de la Perse, qui laisse libre cours à ses affidés
arabes.
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Affaiblissement des deux empires du fait des coûts de la guerre, de ses dévastations, des dommages que la Perse doit payer à son vainqueur.
Affirmation d’une coalition, ou confédération tribale arabe plus ou moins lâche autour de certains chefs de guerre et prophètes armés (Mahomet, Maslama), autour de leurs prédications apocalyptiques et millénaristes, et qui cherche à exploiter cet affaiblissement.
Raids arabes en Palestine et Syrie dès la fin de la guerre perso-byzantine (629 : escarmouche au gué du Jourdain, à Muta, entre Arabes et Byzantins).
Byzance, épuisée, doit faire face à l’autonomisation des Arabes, ses (ex)alliés et fédérés, à la fois au Levant, et aussi de la part de ceux qu’elle a établis en Perse pour mater et occuper son empire. Les Byzantins laissent alors peu à peu le pouvoir aux Arabes (après quelques affrontements), tout en maintenant plus ou moins l’ensemble de leurs territoires dans l’orbite impériale (a minima inclusion dans son système monétaire, comme en témoignent les monnaies arabes des différents chefs du Levant, jusqu’à Abd al Malik).
Jérusalem est (re)prise vers 638 sans combats, et le relèvement du Temple est immédiatement mené par une coalition arabo-nazaréenne. Mais cette nouvelle tentative d’avènement du « règne de Dieu » par le relèvement du Temple et la redescente de Jésus est un échec complet, cuisant, fondamental. Il l’est en effet puisque la tentative de relèvement précédente, en 614, n’avait quant à elle pas pu aboutir à cause de l’opposition des chrétiens (puis des Perses). Alors qu’en 638-640, le Temple a bel et bien été relevé, mais Jésus n’est pas redescendu.
Les Arabes,
déjà très divisés entre eux, ne s’en
divisent que davantage selon les différentes factions,
tribus, clans, orientations idéologiques et religieuses,
allégeances impériales ou rebellions.
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Flottement de l’espérance apocalyptique déçue à Jérusalem, la ville restant néanmoins pour les Arabes le « lieu d’Abraham » ; certains d'entre eux (Omar ? Othman ? Ali ?) y espèrent toujours la redescente du Messie, mais les judéonazaréens et leurs affidés directs (les « proches de Mahomet » ?), dont le projet a objectivement échoué, sont mis à l’écart (voire certainement massacrés pour leurs chefs).
Les espérances du « grand soir » et les attentes messianiques initiales se déforment au gré des intérêts et ambitions de ceux qui les portent, des divers chefs arabes prétendant détenir une nouvelle recette pour la redescente de Jésus après l’échec du projet judéonazaréen, prétendant parler au nom du Messie (Ali), prétendant être investis de son pouvoir apocalyptique, de son pouvoir d’intermédiaire entre Dieu et les hommes, ou prétendant l’être eux-mêmes.
Toujours pas
d’islam, donc, mais des
formes d’abrahamisme judéo-chrétien
millénaristes, floues, en mutation
permanente autour de l’affrontement des chefs
politico-religieux.
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L’effacement des empires et l’affirmation des Arabes voient s’ouvrir une période d’anarchie d’une quarantaine d’années au moins à partir du milieu des années 630.
L’empire perse sassanide s’effondre à la suite de la prise du pouvoir par les fédérés et alliés Arabes dont Byzance se servait comme troupe d’occupation par procuration (prise de Ctésiphon en 637, défaite ultime de Nihâvend en 642) ; des gouvernorats arabes s’établissent à sa place sur fond de rivalité avec les féodaux et les grands propriétaires.
Les factions arabes se constituent en baronnies territoriales. Elles s’affrontent. Les chefs sont assassinés, les guerres internes succèdent aux massacres (dont certainement les partisans du courant arabo-nazaréen, liés au Temple). La tradition musulmane rend très lointainement compte de cette anarchie et de cette violence sous les thématiques mythifiées des « guerres d’apostasie », des fitna (guerres civiles) et des assassinats de « grandes figures » à la réalité scripturaire plus ou moins légendaire et reconstruite : les « premiers califes », les fils d’Ali, les proches du « prophète de l’islam » ou ahl al Bayt (« gens du Temple » ?), etc.
Une de ces factions établit son quartier général à Pétra, qui a été initialement le point de départ de la conquête arabe de Jérusalem, comme elle le fut (du moins son site géographique) selon la tradition judéo-biblique pour la conquête de Canaan par les Hébreux. On y voit alors se développer une frénésie religieuse nouvelle qui a exercé un temps une grande influence sur la plupart des Arabes (en témoignent encore de nos jours les orientations vers Pétra de la majorité des mosquées anciennes du premier siècle), sans doute liée à son chef qui semble se faire passer lui-même pour le Messie (cf. monnaies zubayrides où Abd Allah Ibn al Zubayr se proclame muhammad et rasul allah, « envoyé de Dieu ») : à défaut d’être redescendu à Jérusalem, voici donc que le Messie serait à Pétra (la détention de la « pierre noire » divine l’attestant).
Les questions de la divinité du pouvoir et de l’établissement du « règne de Dieu » sont ainsi centrales, et nourrissent le jeu de concurrence politico-religieuse entre factions : les prétendants au pouvoir affirment leur légitimité en proclamant régner « au nom de Dieu », régner comme intermédiaire entre Dieu et les croyants, régner en tant que « lieutenant de Dieu » sur terre, régner en tant que muhammad, régner comme « envoyé de Dieu », régner par le pouvoir même de Dieu.
Le clan
omeyyade (Syrie) finit par l’emporter peu à
peu au Levant avec Muawiya (661-680), l’Égypte s’étant
ralliée à lui (mais pas encore la Perse, bien que sous
gouvernorat arabe) ; il établit sa capitale à
Damas. Des factions s’opposent cependant toujours à lui
(Alides, Zubayrides, Persans, etc.), et l’anarchie se poursuit
après lui, au moins jusqu’Abd al Malik.
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Abd al Malik parvient à s’imposer face aux différents clans alides et zubayrides : prise de Pétra notamment, et liquidation de son chef, le « messie-muhammad » Abd Allah Ibn al Zubayr, après son repli tactique dans le site géographique de la future Mecque, alors dans l’orbite éthiopienne, et prise de la pierre noire. Abd al Malik établit un véritable imperium sur le Proche Orient, indépendant de la tutelle byzantine (de l’Égypte à la Turquie, en passant par l’Arabie et la Mésopotamie, le reste de la Perse lui demeurant cependant hostile). Il est à proprement parler le premier calife.
Abd al Malik pose les fondements de sa religion impériale, bases du futur islam, à partir du legs idéologico-religieux du VIIe s. recueilli au sein de sa faction et dans les diverses factions soumises à son autorité : un « abrahamisme » arabe rejetant le christianisme et le judaïsme, élevant les Arabes comme nation et comme nouveau peuple élu par Dieu, fondés à devenir les seigneurs de la terre et des siècles. Il s’approprie en tant que calife (khalifat [llah fi l-‘ard] : lieutenant [de Dieu sur Terre]) les espérances millénaristes et le rôle dévolu initialement au Messie. Le Jésus-muhammad et rasul allah se confond ainsi avec le calife-muhammad et rasul allah, comme en témoignent les pièces de monnaie frappées par Abd al Malik, et les inscriptions du Dôme du Rocher.
L’apocalypse messianique centrée sur la redescente de Jésus n’a donc plus lieu d’être, elle dont le déclenchement faisait l’objet de toutes les prédilections de la coalition arabo-nazaréenne, et qui tournait les têtes de bien d’autres partis et factions arabes dans le climat de fin du monde qui régnait au VIIe s. Elle est renvoyée à la fin des temps.
Jérusalem, son Mont du Temple, ne sont même plus le lieu de cette redescente finale (lieu transféré à Damas, sur un minaret de la mosquée des Omeyyades), comme le montre la construction du Dôme du Rocher. Celui-ci ignore en effet cette thématique, pourtant centrale précédemment, pour affirmer à sa place la condamnation des Juifs et des chrétiens au nom de la figure de Jésus revisitée par Abd al Malik et associée à lui, et pour marquer leur soumission à son autorité califale, son autorité de rasul allah et de « lieutenant de Dieu sur terre ».
Un texte proto-coranique est constitué par Abd al Malik (avec notamment l’apport décisif de son allié al Hajjaj) comme « livre sacré arabe faisant pièce aux livres sacrés des Juifs et des chrétiens », à partir notamment de recueils préalables de feuillets de prédication anciens, les siens, sans doute, et aussi ceux que détenaient certaines des factions soumises au nouveau pouvoir califal (dont un « corpus de prédication judéonazaréenne », dont des textes araméens adaptés en arabe, dont divers écrits de circonstance).
On ne trouve
alors pas encore de trace d’une quelconque figure prophétique
de l’islam.
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Après la mort d’Abd al Malik, la formalisation de la religion et la proclamation de son origine divine nécessitent l’invention d’une révélation divine pour les légitimer, et donc d’un prophète, sur le modèle vague des prophètes bibliques : le muhammad-Jésus-calife est remplacé par le Mahomet islamique, dont on construit peu à peu la figure (écriture des premières « biographies »).
Le souvenir lointain du Mahomet historique a peut-être été mobilisé pour cela (certaines traditions se rapportant au Mahomet islamique semblant bel et bien receler un fond de vraisemblance historique). Le fait que ce Mahomet historique ait été complètement ignoré par les Arabes depuis les années 630 jusqu’au début du VIIIe s. indique cependant que son rôle réel dans l’histoire ne fut évidemment pas aussi déterminant que la légende musulmane le prétend. Ou que l’on a voulu oublier son rôle réel dans l’histoire, sans doute alors du fait de l’échec du projet millénariste judéonazaréen de conquête de Jérusalem et de sa prédication du retour imminent du Messie-Jésus, dont il était l’un des artisans (ce que l’étude des rares témoignages quasi contemporains de ce personnage réel, la Chronique de Sébéos en particulier, ou la Doctrina Jacobi, croisée avec l’analyse du texte coranique, laisse à penser).
Il est fort probable aussi que les contraintes de l’invention d’une figure prophétique devant composer avec le cadre laissé par Abd al Malik aient forcé à exhumer Mahomet : le Mahomet historique semble en effet avoir bel et bien été surnommé muhammad. C’était certes dans un sens très précis 1, qui n’est pas exactement celui de la formule léguée par Abd al Malik - et Abd Allah Ibn al Zubayr avant lui -, formule qui désigne le grand calife comme envoyé de Dieu (sur ses pièces de monnaie, sur les inscriptions du Dôme du Rocher), l’identifiant ainsi à la figure de Jésus : muhammad rasul allah, « que soit désiré [aimé], l’envoyé de Dieu ». Cette formule toute empreinte d’attente messianique désignait initialement Jésus, « l’envoyé de Dieu », auquel certains chefs arabes, jusqu’à Abd al Malik ont voulu s’identifier eux-mêmes en la reprenant à leur compte, après l’échec de la tentative de faire redescendre Jésus. Poursuivant dans cette voie, il fallait donc que la figure prophétique qu’il s’agissait d’inventer pour remplacer la figure messianique (qu’elle soit califale ou qu’elle se rapporte à Jésus) soit lui aussi un muhammad et un rasul allah. Et comme la formule peut aussi être lue comme « muhammad est l’envoyé de Dieu », on peut alors vouloir comprendre le mot de muhammad comme désignant la figure prophétique que l’on prétend être « envoyée par Dieu ». Et donc la référence à l’homme historiquement surnommé muhammad s’est imposée, malgré le discrédit ancien qui était tombé sur lui. Exhumer cette référence, c’était le moyen de recycler efficacement toute la propagande califale, toute l’évolution de l’attente messianique, depuis le Jésus dont on espérait la redescente imminente jusqu’aux chefs et califes se prétendant investis des pouvoirs messianiques, pour mieux la réutiliser au service d’un discours nouveau, d’une religion nouvelle, d’un prophète nouveau chargé de satisfaire ces attentes et ces espérances. C’est plus tard, sous les Abbassides, que le sens du surnom muhammad attribué à la figure prophétique évoluera vers celui de « digne de louanges ».
La
Mecque est mise en avant, « inventée »
comme lieu abrahamique de substitution à Jérusalem,
sur le lieu de repli tactique où s’était caché
Abd Allah Ibn al Zubayr, dans le Hijaz, loin de la portée des
armées omeyyades.
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Les luttes de pouvoir se poursuivent après Abd al Malik. Les Omeyyades sont renversés en 750 par un clan arabe rival, les Abbassides, allié aux Alides et aux Persans sous gouvernorat arabe.
La capitale de l’empire est transférée dans la ville de Bagdad, créée ex nihilo pour cela. L’inertie de la grande civilisation perse lui fait en quelque sorte reprendre ses droits face à la domination arabe. La religion cesse d’être « l’abrahamisme des Arabes » pour s’ouvrir réellement à l’universel. Le travail d’invention de l’islam se poursuit à Bagdad de manière centralisée par le califat sous influence persane, dans l’intérêt évident du pouvoir, avec l’écriture des premiers récits plus ou moins définitifs de tradition (IX-Xe s.).
Les traditions et biographies prophétiques sont révisées, apurées, réécrites, renouvelées et normalisées : les « circonstances de la révélation » sont reprises, inventées et affinées pour donner un sens islamique au texte coranique, pour escamoter les origines réelles de l’islam, et pour justifier la conduite des califes et la conduite des affaires de l’empire et de son administration.
Le Coran est enfin fixé à partir du recueil d’Abd al Malik et al Hajjaj, corrigé marginalement, enrichi au besoin de quelques ajouts, et interprété « selon l’islam ». Son écriture déficiente initiale est complétée.
En plus d’être celui d’Abraham, La Mecque devient le lieu du Prophète et des origines de l’islam. Le pèlerinage islamique y est institué pour donner un sens islamique au texte coranique qui, quant à lui, dans son sens littéral et originel, n’y décrit rien de tel. Il y est en fait question des formes d’un pèlerinage juif (judéonazaréen) à Jérusalem, de l’exhortation à sa conquête et de la relation de certains événements de cette dernière (tous récits qui seront ramenés de force par la tradition musulmane à La Mecque islamique et à la légende de la geste prophétique que l’on écrira notamment pour cela).
La tradition musulmane s’établit peu à peu autour de la figure prophétique dont on écrit l’histoire : écriture et réécriture de récits mythifiés de l’histoire des origines de l’islam, des premiers temps de l’islam, invention de la « conquête islamique », changement du sens des mots dans le Coran et dans la doxa pour leur donner une explication et une cohérence islamique (comme l’évolution du sens de muhammad depuis « celui qui est désiré, aimé, adoré » vers « celui qui est digne de louange », afin d’apporter une explication concordiste aux versets coraniques - S7,156 et S61,6 - et de faire annoncer au Jésus des Évangiles la venue du Mahomet islamique en tant que « Paraclet », le tout sous l’influence du manichéisme perse qui avait tenté auparavant la même manipulation avec Mani).
Les premiers tafsir sont ainsi publiés au Xe s. tandis que l’étau se resserre sur ceux pouvant porter une parole contradictoire - musulmans « non alignés » comme non-musulmans - au fil de l’interdiction de la critique et de la destruction des documents hétérodoxes.
La théologie
fondamentale islamique est définie : fitra,
absorption et réinterprétation islamique du substrat
biblique (ou parabiblique) du texte coranique, succession des
« révélations » islamiques
corrigeant l’une après l’autre leurs dévoiements
jusqu’au « sceau de la prophétie »,
sacralisation du Coran, etc.
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Poursuivant la croyance d’une forme d’incorporation de la figure messianique (initialement Jésus lui-même) dans la personne des successeurs d’Ali (« l’imamat », qui poursuit et perpétue la « révélation divine »), les Alides ont vu leurs courants se formaliser dans les diverses branches du chiisme au fil de leur jeu d’opposition ou de collaboration avec le pouvoir abbasside.
Certains Alides se sont détachés assez tôt des factions omeyyades comme abbassides, au milieu du VIIIe s., formant le courant septimain autour de la figure d’Ismaïl ben Jafar. L’ismaélisme se construira ainsi dans l’opposition dialectique au pouvoir abbasside. Ce courant chiite autonome donnera naissance par la suite au califat fatimide (Xe s.).
La plupart des
autres alides étaient restés dans l’ensemble
liés au pouvoir califal abbasside, dont ils ont formé
une partie de l’ossature religieuse. Ils finirent par s’en
détacher, et prendre le dessus sur celui-ci aux X-XIe s.,
le mettant sous tutelle. Ils purent à leur tour établir
leur propre histoire sacrée, qui aboutira
très tardivement, avec l’établissement des
Séfévides (XVIe s.) à la formalisation
du chiisme majoritaire (duodécimain).
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L’empire implose sous les coups des invasions turques, du morcellement du califat abbasside (affirmation de califats concurrents, en Espagne omeyyade et Égypte fatimide), de l’opposition des Fatimides et des Seldjoukides, mais, paradoxalement, l’islam « théorique » s’établit dans ses formes à peu près définitives (jusqu’à leur profonde remise en cause à partir du XIXe s.).
Les croisades aux XII-XIIIe s., l’établissement puis la chute des royaumes francs de Terre Sainte participent de l’achèvement de la formation de l’islam en unifiant « les musulmans » contre un ennemi commun. On observe un effet similaire avec les invasions mongoles des XIII-XIVe s., renforcé par la conversion finale à l’islam des envahisseurs, et les massacres de non-musulmans dans les territoires gouvernés par l’islam. Ces invasions achèvent la conquête islamique de l’Inde et y constituent un immense empire musulman (XVIe s.).
Le travail théorique de formation de l’islam sunnite se finalise avec l’imposition de la théologie classique d’al Ghazali (XI-XIIe s.) et Ibn Taymiyya (XIII-XIVe s.), et les mises au point ultimes (ou presque) de la tradition classique (publication finale des traités de référence des hadiths de Boukhari au XIIe s., du tafsir d’Ibn Kathir au XIVe s.), cependant que la reconstitution d’un royaume persan et chiite (dynastie séfévide, à partir du XVIe s.) donne au chiisme un espace à peu près protégé (jusqu’à nos jours) pour se développer.
Détails,
explications et bibliographie à consulter dans l’ouvrage
Le grand secret de l’islam
(disponible librement
via le site https://legrandsecretdelislam.com)
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1« Muhammad »
en arabe est en fait la reprise exacte de celui que la Bible donne
au prophète Daniel. « Muhammad »
est en effet l'arabisation de l’hébreu [ish]-hamudôt
(= mu-ahmad en
arabe), « [l'homme] des prédilections »,
« [celui qui est] aimé », « désiré »,
« adoré », « attendu »
(de Dieu !), « [l’homme qui] désire
plaire à Dieu », surnom par lequel l'Ange Gabriel
s’adresse par trois fois au prophète Daniel (Dn 9,23 ;
10,11 ; 10,19). Daniel étant le prophète qui
annonçait la venue du Messie, on peut donc supposer que ce
surnom fut donné au Mahomet historique pour mettre en avant
sa fonction de précurseur de la redescente du Messie (cf.
Doctrina Jacobi)
Versions du Coran, rapport christianisme-islam, retour de Jésus, retour de Issa. Islamisme et violence. Religions abrahamiques, l'Antichrist, le prophète Muhammad. Versions du Coran, rapport christianisme-islam, retour de Jésus, retour de Issa. Islamisme et violence. Religions abrahamiques, l'Antichrist, le prophète Muhammad. Versions du Coran, rapport christianisme-islam, retour de Jésus, retour de Issa. Islamisme et violence. Religions abrahamiques, l'Antichrist, le prophète Muhammad. Versions du Coran, rapport christianisme-islam, retour de Jésus, retour de Issa. Islamisme et violence. Religions abrahamiques, l'Antichrist, le prophète Muhammad. Versions du Coran, rapport christianisme-islam, retour de Jésus, retour de Issa. Islamisme et violence. Religions abrahamiques, l'Antichrist, le prophète Muhammad. Versions du Coran, rapport christianisme-islam, retour de Jésus, retour de Issa. Islamisme et violence. Religions abrahamiques, l'Antichrist, le prophète Muhammad.