Le Messie et son prophète

Le Messie et son Prophète

Aux origines de l'Islam

Al-Andalus, l’Andalousie musulmane dans sa réalité

juifs et chrétiens, et statut de « dhimmi » —

De : Clémence Hélou Matar, Comprendre l’Islam et construire une humanité fraternelle et spécifique, Paris, Cariscript, 2010 / texte en PDF

p. 246-250

Être « protégé » des musulmans

Le poids de la « protection » s’alourdissait très vite. En 822, au début du règne d’Abd ar-Rahman, l’émir de Cordoue, les recettes annuelles prélevées sur la population dhimmi s’élevaient à six cent mille dinars et trente ans plus tard elles atteignaient cinq millions et demi de dinars. [418]

Lorsqu’une résistance populaire apparaissait ou menaçait d’apparaître, le pouvoir musulman organisait à volonté et en toute bonne conscience – puisque obéissant à des ordres divins – des massacres, des transferts et des déportations, de population. Toute tentative de rébellion était donc étouffée dès lors que le tissu social était déchiré. [419]

Les autorités religieuses, évêques, prêtres ou rabbins, absorbés par leurs problèmes paroissiaux et leurs disputes doctrinales et théologiques n’encourageaient pas leurs ouailles à la révolte. Ils prélevaient la jizia pour le pouvoir musulman et s’efforçaient de maintenir la paix surtout que les autorités musulmanes les rendaient responsables de tout problème et les punissaient en conséquence.

Toute tentative du dhimmi d’échapper à son « humiliations » autrement que par la conversion à l’islam, ou toute manifestation d’esprit critique ou d’indépendance, entraînait la perte de « protection » et en fait l’obligation pour le musulman de le combattre et le tuer sous peine de fâcher Allah.

Du fait du désarmement de la population, toute tentative de révolte était vouée à l’échec et se terminait par d’impitoyables tueries et des prises d’esclaves.

En 805, pour mettre fin à des troubles à Cordoue, le gouvernement fit exécuter 72 personnes et fit clouer leurs cadavres sur des croix le long du chemin longeant le Guadalquivir. Vers 807, à Tolède pour mettre un terme à l’opposition des notables, mouladis, de la ville, l’émir les invita tous à une réception et les fit exécuter. [420]

Les aspects d'une humiliation permanente

L’humiliation des dhimmis a pris les formes les plus diverses. Cloches, schofars, bannières, croix, tout signe visible ou audible de leur foi leur était proscrit avec une obligation de discrétion dans la pratique de leur culte et l’enterrement de leurs morts. Leur infériorisation se manifestait également entre autres par des vêtements distinctifs et l’interdiction d’avoir des maisons plus hautes que celles des musulmans. [421]

La monte à cheval (animal noble) était également interdite aux « protégés » qui devaient céder le passage lorsqu’ils croisaient à pied un musulman ou s’ils étaient à dos d’âne descendre de leur monture.

Au XVIIIème siècle, le roi Frédéric V du Danemark (1723-1766) envoya une expédition dirigée par le Danois Carsten Niebuhr étudier l’Arabie. C. Niebuhr a raconté qu’en 1761, au cours du séjour de son équipe au Caire, un médecin français y fut mutilé pour n’être pas descendu assez vite de son âne en croisant un seigneur musulman. Le simple passage de non musulmans (impurs) à proximité des mosquées, de certaines maisons, ou de certains quartiers était considéré une profanation. [422]

Lorsqu’il venait payer ses impôts, le dhimmi devait se tenir debout à l’endroit le plus bas, se présenter tête basse, être traité avec dédain. Il fallait lui faire sentir que c’était lui faire une grâce que d’accepter de lui la jizia, l’humiliation pouvant être complétée par des soufflets ou des coups de bâton. [423]

L’uléma Muhammad al-Majlissi (mort en 1699) a conseillé de maintenir les dhimmis dans la peur et le doute en ne leur permettant pas de connaître le montant de la jizia, de sorte que, le jour du paiement, ils se présentent avec tout leur argent et comptent jusqu’à ce qu’il leur soit dit de s’arrêter. [424]

En Espagne au XIIè siècle, les obligations d’un inspecteur musulman de l’ordre public consistaient entre autres, à veiller à la parfaite ségrégation des sexes, à l’assiduité à la mosquée et surtout à ce que les juifs portent bien un signe qui permette de les identifier. L’inspecteur devait également s’assurer que les musulmans ne souhaitent pas la paix aux juifs et aux chrétiens qui, étant le parti du diable, devaient être haïs et isolés. [425]

La précarité de la situation des non musulmans, même lorsque leurs services leur permettaient d’atteindre une situation relativement élevée, est illustrée par les massacres en Espagne de près de cinq mille juifs à la suite de la perte de faveur et du meurtre en 1066 de Joseph fils de Samuel ibn Naghrela connu en hébreu comme Samuel ha-Naguid (993 – 1056).

Joseph ibn Naghrela avait repris la charge de vizir assumée par son père au service de la famille Zirid qui dirigeait Grenade. Il suscita des jalousies, et le poète Abû Ishâq de Elvira (mort en 1067) avait alors composé des poèmes appelant les musulmans à ramener les juifs à l’était d’infamie qu’ils méritaient et où ils se trouvaient dans les autres pays musulmans ? Le poète rappela à ses coreligionnaires qu’Allah dans le Coran avait prévenu les musulmans contre la fréquentation des mauvais. Il les appela à sacrifier le chef des juifs (Joseph ibn Naghrela) comme une offrande à Allah et à ne pas non plus épargner son peuple. Ce qu’une foule excitée s’empressa de faire. [426]

Dans les pays sous domination musulmane, les indigènes devenus musulmans, qui retournaient à leur foi d’origine furent toujours exécutés. Ainsi, la fille d’Ibn Hafsoun, descendant du dernier comte de la principauté autonome de Rhonda en Espagne, qui était revenue au christianisme et était entrée dans un couvent à Cordoue, fut extirpée de son couvent, condamnée pour apostasie et égorgée en 937. [427]

L'oppression au 13e siècle

Aux XIIème et XIIème siècles, les fondamentalistes Almoravides (de al mourabitoun, c’est-à-dire ceux qui gardent les frontières des territoires musulmans), puis les Almohades (de al mouahiddoun ou ceux qui oeuvrent au service de l’unicité d’Allah), venus d’Afrique du Nord soutenir le pouvoir musulman en Espagne, contraignirent de nombreux juifs et chrétiens à se convertir.

Les inquisiteurs musulmans chargés de contrôler la sincérité des nouveaux convertis retiraient les enfants de leurs familles et les confiaient à des familles musulmanes. Pour leur échapper, le grand savant juif Maimonide feignit la conversion à l’islam, puis se réfugia en Egypte. En 1148, les juifs furent renvoyés d’Espagne par les musulmans dans des conditions que l’on retrouvera lors des expulsions organisées par le pouvoir royal espagnol en 1492. [428]

Le dhimmi n’avait aucune valeur juridique face à un musulman contre lequel sa parole au tribunal était irrecevable en cas de conflit. [429]

L’accusation de blasphème contre l’islam était (est toujours) en terre d’islam le moyen le plus simple de faire condamner à mort quelqu’un. Sous une apparence de noble défense du sacré, c’est également le moyen le plus sournois de museler et détruire la liberté et la vérité. Des voyageurs européens o nt signalé au XVIIIème siècle qu’en pays musulmans, leur parole n’ayant aucune valeur, ils avaient été contraints de payer des sommes importantes à des commerçants qui les accusaient d’avoir insulté l’islam. [430]

L’humiliation des non musulmans et la multiplication des agressions à leur encontre à tout instant de la vie quotidienne étaient facilitées par les vêtements distinctifs qu’ils devaient porter, permettant de les reconnaître au premier abord.

Les vêtements distinctifs des dhimmis servaient également à les contrôler financièrement. Ils pouvaient être arrêtés dans les rues et devaient toujours pouvoir produire la preuve qu’ils avaient payé leur jizia. Au Yémen, les juifs furent contraints de porter des vêtements particuliers jusqu’à leur départ pour Israël en 1948. [431]

L’exploitation des dhimmis fut un souci constant des autorités musulmanes au cours des siècles. On la retrouve en 1576 dans la correspondance du sultan Mehmed III demandant au gouverneur de la ville de Safed d’envoyer des familles juives à Chypre pour l’enrichir. La réponse du gouverneur qui souhaitait garder ses familles juives, car le trésor de Damas souffrirait de grandes pertes si elles partaient, est éloquente.[432] Les autorités musulmanes devaient parfois intervenir pour protéger les dhimmis de violences spontanées, ne serait-ce qu’à cause des multiples avantages tirés de leur exploitation.

Après l’invasion de Constantinople et la fuite ou le massacre de la population, le sultan Mahomet II contraignit des chrétiens et des juifs à venir s’y installer pour revivifier la ville.

Dans l’Espagne sous dominations musulmane, pour pallier au manque à gagner résultant des conversions d’indigènes, les autorités musulmanes avaient décidé de continuer à faire payer le Kharaj aux convertis distinguant les musulmans de la première heure ainsi que leurs descendants de ligne masculine des convertis plus récents, les « moualladuns ». [433]

Ségrégation et haine sociale

La ségrégation et la haine entretenues entre musulmans, non musulmans et nouveaux musulmans, Arabes et non Arabes dans la population en Espagne y ont souvent entraîné des éruptions de violence spontanée. En 891, lorsque le corps arabe originaire du Yémen qui constituait la garnison de Séville se souleva, les soldats déchaînés massacrèrent aussi bien les dhimmis que les convertis moualladuns dont les vieux musulmans doutaient de la sincérité. Un poète arabe du IXème siècle célébra ces massacres se félicitant de la mise à mort des nouveaux musulmans, esclaves et fils d’esclaves. [434]

p. 251

L’histoire prouve donc qu’il est vital de refuser d’entrer dans le jeu des islamistes qui tentent actuellement d’imposer partout une ségrégations entre les musulmans et les non-musulmans et de remettre en question les traditions et la culture de leur pays d’accueil.

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418 DUFOURCQ Charles-Emmanuel, La vie quotidienne dans l’Europe Médiévale sous domination Arabe, p. 214, Hachette, Paris, 1978.

419 Bat YE’OR, Les Chrétientés d’Orient entre Jihâd et dhimmitude, VIIè-XXè siècle, p. 43, Editions du Cerf, collection « L'histoire à vif », Paris, 1991

420 DUFOURCQ Charles-Emmanuel, La vie quotidienne dans l’Europe Médiévale sous domination Arabe, p. 217, Hachette, Paris, 1978.

421 FATTAL Antoine, Le Statut légal des non musulmans en Pays d’Islam, p. 203, Imprimerie Catholique, Beyrouth, 1958.

422 Carsten NIEBUHR, Voyage de M. Niebuhr en Arabie et en autres pays de l'Orient, Avec l'extrait de sa description de l'Arabie & des observations de Mr Forskal, pp. 80-81, Chez les Libraires Associés, Berne, 1780.

423 Bat YE’OR, Juifs et chrétiens sous l’islam face au danger intégriste, p. 63, Berg International Editeur, Paris, 2005,

424 BOSTOM Andrew G., The Legacy of Jihad : Islamic Holy war and the fate of Non-Muslims, p. 219, Prometheus Books, Amherst, NY, 2005.

425 CONSTABLE Olivia Remie , Medieval Iberia : Readings from Christian, Muslem, and Jewish Sources, p. 179, University of Pennsylvania Press, Philadelphia, 1997.

426 Ibid., p. 91 - 98

427 DUFOURCQ Charles-Emmanuel , La vie quotidienne dans l’Europe Médiévale sous domination Arabe, p. 234, Hachette, Paris, 1978.

428 STARK Rodney, One true God : Historical Conqequences of Monotheism, p. 80, Princeton University Press, Princeton, 2001.

429 HIITI Philipp K. , History of the Arabs, p. 235, The Macmillan Press Ltd, London, Tenth Edition, 1970.

430 NIEBUHR Carsten, Voyage de M. Niebuhr en Arabie et en autres pays de l'Orient, Avec l'extrait de sa description de l'Arabie & des observations de Mr Forskal, pp. 427 – 428, Chez les Libraires Associés, Berne, 1780.

431 Bat YE’OR, Juifs et chrétiens sous l’islam face au danger intégriste, p. 90, Berg International Editeur, Paris, 2005,

432 LEWIS Bernard Cultures in conflict : Christians, Muslims, and Jews in the Age of Discovey, p. 43, Oxford University Press, New York, 1995.

433 DUFOURCQ Charles-Emmanuel, La vie quotidienne dans l’Europe Médiévale sous domination Arabe, p. 202, Hachette, Paris, 1978.

434 Ibid, pp. 209 - 211